Tu connais l'histoire du petit chaperon rouge ? Eh bien, le chaperon c'est toi. A deux exceptions prêt. Tu parles pas avec les animaux et ta grand-mère n'est pas carnivore. Le seul point que vous avez en commun, c'est que dans la mémoire des gens, vous resterez toujours des gamines naïves. Quand t'étais petite et que tu vivais dans ton taudis on t'appelait Cendrillon. Parce que t'étais mignonne, mais tu te roulais dans la poussière à longueur de journée. C'était pas de ta faute. Ton père cet historien incompris de sa famille et de la société, préférait rester sur le canapé à se documenter devant une version américaine de « Des racines et des ailes. » Utilité ? Zéro. A côté de lui, ta mère, rondouillarde, prépare un énième gâteau. Chez toi, pas de légumes ou de viande. Des pâtisseries, des confiseries et tout ce qui est mauvais pour une gamine de sept ans. Heureusement, ton frère est là, il a quatre ans de plus que toi et il prend déjà l'initiative de t'emmener au KFC du coin de la rue pour manger du poulet.



Au final, t'es un peu comme Jasmine, t'es toujours pieds nus. Tu vis dans un petit endroit. A côté des gens du voyage. T'es sédentarisé toi, mais la quartier à changer et tes parents qui restent enfermés ne s'en rendent pas compte. A dix ans, on porte un jugement ? Ouais. Quand les gosses de ton école te traitent de gitanes et de crasseuses, toi tu les regardes et tu la ferme. Parce qu'on t'interdit de parler ici. Ces gens-là, en deux jours, ils écrabouillent ta petite maison. Et puis un soir, ton frère rentre pas, il a fait une fugue. Il n'y a que toi qui t'en rends compte. Alors, t'appelle ta tanteet elle vient t'aider. Elle aide tout le monde. Elle retrouve ton frangin et elle fait tout pour que tu vives mieux que ça. Elle remotive ton père comme elle peux, elle trouve un emploi dans une pâtisserie à ta mère. Au bout d'un an, tout va déjà mieux.


Avec l'argent que tes parents ont gagnés, ils achètent une nouvelle maison. Un pavillon dans un lotissement. C'est bien plus tranquille. Pour ta dernière année au collège tu veux faire les choses bien. Tu bosses à fond et t'es sérieuse jusqu'à l'examen de fin d'année que tu décroches avec mention. Ta tante est malade, elle rentre à l'hôpital quand toi tu commences à fréquenter la cour des grands. Le lycée. Il y aura toujours des cons, des fils à papa qui te crache dessus. Des mecs qui pensent que la richesse fait la beauté, l'intelligence et qu'elle dure toute la vie. Mais l'homme aime se faire battre, tu retournais toujours vers eux, comme si tu voulais les provoquer. Il y en a un qui te plaisait bien. Mais il n'est pas pour toi. P'tit prince à la con.


T'as 16 ans maintenant. Ta tante est morte et ta famille prend la mauvaise pente. Tu peux faire quoi toi ? T'es sage, brave gamine. T'es un peu comme Anastasia, un peu orpheline. Ta mère père son boulot et ton père reste dormir. Toi, tu joues au loto, de temps en temps, le vendredi. Même qu'un jour, quand t'as suivis le tirage, t'as bavée sur ton ticket tellement t'étais heureuse de ce qu'affichait ta petite télé. Putain, t'avais gagné, t'étais riche. Et ouais.


Personne le sait. Toi, t'a préféré rester dans ton ancien quartier. Tu veux pas devenir cette peste qui à 42 000 sacs chez elle, toi t'en profite de ta richesse, mais pas trop. T'as genre 100 sacs. C'est assez quoi. Et puis il ne faut pas qu'il sache. Ouais, le p'tit prince. Il doit pas être au courant que t'es riche. C'est bien plus drôle l'ignorance.