Il passe de pièce en pièce sans vraiment s’arrêter. Il ne vérifie pas qu’on le suit, après tout peu lui importe. Cette visite lui fait déjà perdre bien trop de temps. – Ta chambre. Il ouvre une porte, s’écarte légèrement pour laisser la petite passer. Il la voit s’arrêter sur le seuil, réprime un soupir. Son pied frappe le sol à intervalle régulier, laissant présager de son impatience. – Cette pièce est plus grande que chez moi. Elle lâche, presque horrifiée. Qu’elle voit ça avec Lora, c’est elle a qui a choisit cette maison après tout. – Le placard te conviendrait plus ? Le sarcasme s’échappe sans qu’il n’y puisse grand-chose, la force de l’habitude. Le regard qu’elle lui lance lui ferait presque passer l’envie de recommencer. Presque. – Il y a des enfants qui meurent de faim tu sais. Ses sourcils s’étaient froncés, son regard concentré ne le lâchait plus. Là il voyait. Là, il se voyait. En elle. Sa fille. C’en serait drôle si ce n’était pas à lui qui ça arrivait. – Pas dans ma maison alors n’oublie pas de manger. T’es toute maigre. Leurs yeux se posent de concert sur les bras de la demoiselle qu’elle finit par tenter de cacher tant bien que mal. – Ah vous êtes là. Une grande perche s’approche et embrasse sa fille sur les deux joues. Il les observe et ne peut s’empêcher de penser qu’elles pourraient être sœurs. A peu de choses près. – J’ai une sœur ? Qu’elle demande, vraisemblablement choquée. A croire qu’ils ont la même façon de raisonner. Flippant. – Ma femme, Lora. Il dit, simplement, ouvrant son bras pour permettre à la blonde de se poser contre lui. Un rire quitte les lèvres de la brune, habituée à ce genre de réflexion. – Oh. Elle rougit. Sa fille rougit. Elle est gênée, il comprend. – Ce n’est rien. Il ne sait pas bien pourquoi il la rassure, ce n’est pas dans ses habitudes. – Et bien, bienvenue. Il hoche vaguement la tête et entraîne Lora dans sa retraite précipitée. Un sourire reste affiché sur les lèvres de cette dernière qu’il efface bien vite en la calant contre un mur, ses mains remontant lentement le long de ses côtes. – Ben, ta fille est à trois mètres. Mais ses paroles sonnent faux, même elle n’arrive pas à se convaincre, ses lèvres se posent déjà contre son cou, aguicheuses.



- Ta femme est éblouissante ce soir Bennie. Ou serait-ce ta fille ? Vieille ritournelle à laquelle il ne peut échapper, qui ne l’a jamais perturbé par ailleurs. Il n’a pas la moindre honte à avoir épousé une femme proche de l’âge de sa fille, qu’il ne se savait pas avoir par ailleurs. Il voyait bien à la façon dont il bavait devant Lora qu’ils la trouvaient tous à leurs goûts et qu’ils seraient prêts à bien des choses pour la posséder. Mais Lora lui appartenait. C’était sa femme. Sa chose. Et la seule raison pour laquelle il acceptait qu’elle aille voir ailleurs était parce qu’il était au courant. De chacune de ses aventures, toute de la gente féminine. Et elle qui se croit discrète, elle qui se croit si intelligente. Ça l’amuse de la voir se démener avec ses mensonges. Ça l’amuse de la voir avec elles. Pour rien au monde il ne laisserait un homme toucher sa femme. Mais une femme. C’était différent. C’était délicieux à vrai dire. Un vrai délice pour les yeux. La fidélité n’était pas leur fort, c’était un secret de polichinelle, leur secret. Il les préférait jeunes et vigoureux et elle blondes et pulpeuses. Ils acceptaient, pardonnaient D’une manière bien à eux, ils s’aimaient. Ils s’aimaient vraiment. – Papa ? Il lui fallait toujours quelques secondes pour se rendre compte que c’était lui qui répondait à ce doux mot. Quittant avec plaisir la compagnie de son collègue, il se tourna pour observer sa fille. Elle était belle, elle était bien la digne fille de son père. – Je te présente Tommy, mon petit-ami. Les yeux de Ben se posent sur le jeune en question et s’immobilise. Tout comme son corps, son cœur. Et tout se remet à fonctionner normalement, un seconde, une seule seconde d’absence. Le temps d’un clignement de paupières. – Enchanté. Un vague sourire aux lèvres, il serre la main du petit-ami. Fort, un poil trop fort. Ses glissent de sa fille à lui. Et encore une fois. Oui, un brin trop fort. Finalement ils repartent en direction du buffet, laissant à Ben le loisir de les observer. Sa conscience tente une percée, essayant de lui faire comprendre quelque chose. Pourtant il se voit dans l’obligation de reporter le poids de son corps sur sa jambe gauche, arrangement discret. Il ne l’avait jamais vu en costume avant. - Ils sont mignons non ? Demande sa femme, de retour à son bras. Il hoche vaguement la tête, marmonne entre ses dents une quelconque réponse. Hésitant entre lui refaire le portrait et le dévêtir intégralement, il se contente de les regarder évoluer. – Allons danser. Lora l’attire sur la piste de danse, interrompant ses sombres pensées. Il aura tout le temps d’analyser la situation, après tout, il était vrai que sa femme était absolument divine.